Qu’est-ce que l’artification ?

Après plus de deux ans de rencontres mensuelles dans le cadre des chantiers théoriques du Lahic, nous nous proposons de faire un premier point sur la question de la transformation du non-art en art. En adoptant le néologisme « artification » nous explorons d’emblée les aspects dynamiques du passage à l’art, ou plutôt de son émergence  et de sa construction. Comment l’art vient-il donc aux personnes, aux objets, aux façons de faire et de penser ?

Nous partons d’une idée simple : l’art est non seulement un corpus d’objets définis une fois pour toutes par des institutions et des disciplines consacrées, mais un construit historique, le résultat de processus sociaux, datés et situés. Comprendre l’engendrement de ces processus, décrire leur développement par le menu, voilà qui doit nous aider à éclairer la nature même des objets « d’art » et des mondes sociaux dans lesquels ils émergent, voire : qu’ils font émerger.

On s’aperçoit que la transformation du non-art en art résulte d’un travail social complexe qui engendre un changement de statut des individus, des objets, des activités et des représentations. Elle recouvre des changements symboliques (anoblissement des actions, grandissement des personnes, déplacements des frontières) mais aussi des changements concrets : transformation des qualités physiques des personnes, reconstruction des choses, importation d’objets nouveaux, réagencement des dispositifs institutionnels, création d’institutions. Le résultat, c’est un déplacement durable de la frontière entre art et non-art, et non seulement une élévation sur l’échelle hiérarchique interne à un domaine qui serait déjà donné comme artistique. Il ne s’agit donc pas (seulement) de légitimation, mais bien du mode d’émergence et de la désignation même d’entités, d’êtres ou d’activités destinés à endosser la qualification d’art ou d’artiste.

Une part de l’accroissement de l’activité artistique dans la société (augmentation du nombre d’artistes et d’amateurs, explosion du marché de la culture, etc., pour ne parler que des aspects pratiques) relève de l’extension des arts établis. Mais toute une part relève de l’artification et de l’émergence d’arts nouveaux. On dira ainsi que l’artification, c’est le processus par lequel les acteurs sociaux en viennent à considérer un objet ou une activité comme de l’art, là où ils ne le faisaient pas auparavant. Néanmoins, ce développement ne se fait pas sans heurt, car il y a également des obstacles de toutes sortes à l’artification, des résistances, et des pratiques de contournement.

Lors des journées d’étude des vendredi 8 et samedi 9 décembre 2006 organisées à Paris, des chercheurs – sociologues, anthropologues et historiens – reliront leurs recherches passées ou leurs travaux en cours à la lumière de la notion d’artification. Les enquêtes vont de l’inventaire au graffiti, en passant par la photographie, le jazz, le cirque, le hip-hop, les arts premiers, les architectures singulières, l’Art Brut, la mise en scène, le travail social, la typographie, les métiers d’art et l’écoute phonographique.

 

Programme

 

vendredi 8 décembre 2006

9h00-9h15        Introduction

9h15-9h45        Benoît De l’Estoile - De l’ethnographie aux arts premiers.

9h45-10h15       Valérie Rousseau - L'Art Brut : illégitimité et légitimation.

10h15-10h30     pause

10h30-11h00     Véronique Moulinié - Du rejet à l’admiration, ou comment l'art vient aux créations singulières

11h00-11h30     Marisa Liebaut - L'artification du graffiti et ses dispositifs. Les livres d’art urbain

11h30-12h30     Débat

                        Déjeuner

14h30-15h00     Olivier Roueff - Cake-walk, jazz-band, jazz hot : le champ musical en syncopes,1902-1939.

15h00-15h30     Roberta Shapiro - Du smurf aux cultures urbaines : la danse hip-hop.

15h30-15h45     Pause

15h45-16h15     Virginie Milliot - Quelle artification engendre la « socialisation » de l’art ?

16h15-17h15     Débat

 

samedi 9 décembre 2006

9h00-9h30        Hodak, Caroline - De l'art équestre aux arts du cirque : genres artistiques et glissements sémantiques depuis le tournant du XVIIIe siècle.

9h30-10h00       Serge Proust - Le metteur en scène de théâtre. Une position à partager ?

10h00-10h15     Pause

10h15-10h45     Sophie Maisonneuve - De la « machine parlante » au disque : remarques sur l’artification de la phonographie.

10h45-11h45     Débat

                        Déjeuner

 

13h30-14h00     André Gunthert - Comment faire de la photographie un art ? Le programme de la Société héliographique.

14h00-14h30     Nathalie Heinich - Entre patrimonialisation et artification : l’inventaire.

14h30-15h00     pause

15h00-15h30     Michel Melot - Qu’est-ce qu’un métier d’art ?

15h30-16h00     Béatrice Fraenkel - Les obstacles à l’artification : la typographie.

16h00-17h30     Débat et synthèse.

Informations pratiques

Date(s)
  • Samedi 9 décembre 2006 - 09:00
Lieu(x)
  • Salle des commissions - Bibliothèque Nationale de France, 58, rue de Richelieu, 75002 Paris,