La mort différée des pères de la nation: la passion filioque en Afrique

Dans ses mémoires, Jacques Foccart raconte avoir reçu un jour le fils d'un président africain venu lui demander l'agrément pour une succession dynastique à son père. L'affaire fit rire Jacques Chirac. C'était sans compter sur une anticipation d'un processus en filigrane dans la gestion post-coloniale des Etats africains. En effet jusqu'à une date récente, les régimes africains, installés pour la plupart par coups de force, étaient préoccupés essentiellement par leur survie. Le changement dans la donne géopolitique, intervenue au niveau mondial à la suite de l'effondrement de la bipolarisation Est-Ouest et l'imposition du modèle démocratique (plus exactement de l'Etat de droit) après la Baule, aux pays africains, justifie désormais l'alternance politique par les urnes. C'est le moment choisi par les dirigeants africains, légitimés désormais par le suffrage universel de conserver le pouvoir non en se maintenant à la tête de l'Etat, mais en y installant leur progéniture car pour les pouvoirs africains post-coloniaux la question reste toujours la même: "comment rendre le pouvoir sans rendre les comptes à son peuple?"

Après l'échec de la montée des dauphins et des protégés (Biya...) qui ont fini par assumer le meurtre politique de "leurs pères", l'assurance d'une transition sans bouleversements majeurs passe dorénavant par la mise en place des fils des dirigeants eux-mêmes (Kabila, Faure Gnassingbé...). Adoublés par les milieux économiques, ceux-ci sont labellisés démocratiques par les milieux
internationaux qui leur accordent une légitimité encore plus grande qu'à leurs pères. Ainsi s'est ouverte la voie de la compétition politique non seulement aux enfants des anciens présidents, mais à tous ceux dont les pères ont incarné le pouvoir postcolonial, qu'ils aient été au pouvoir ou dans l'opposition. A la guerre des pères succède désormais celle des fils comme dans le cas togolais qui dans un même élan se mettent à reproduire les logiques internes de l'Etat post-colonial.



Informations pratiques

Date(s)
  • Jeudi 15 février 2007 - 17:00
Lieu(x)
  • Salle de conférence du CEAf, 2e étage, 96 bd Raspail, 75006 Paris,